-
Des nouvelles d’ici où le temps m’incite à écrire et à lire. Je ferai bientôt des mises à jour régulières, même si aujourd’hui je suis un peu débordée. Si vous vous ennuyez un peu ou êtes à court de lecture, je vous recommande de lire l’excellent « Princesse Bari » de l’immense écrivain coréen Hwang Sok-Yong (éd. Picquier). Vous trouverez un long extrait sur le site de l’éditeur. L’histoire hallucinée d’une errance entre l’enfer de la famine du Pyongyang des années 90 et la Londres des émigrés, narrée dans un style à la fois pragmatique et féerique.
-
« […] A la pointe du modernisme, les étudiants se passionnaient pour le Nouveau Roman. Nathalie Sarraute était venue. Je l’avais rencontrée chez Jean Wahl quelques années auparavant, de façon assez curieuse : je ne savais pas qu’elle connaissait mon existence alors que je connaissais la sienne à travers Portrait d’un inconnu et Martereau notamment, que j’avais beaucoup aimés. « On m’a dit que vous aviez dit que ce que j’écrivais était de la merde. »
Voilà la première phrase qu’elle m’a dite ! J’étais stupéfaite. Depuis, notre relation a heureusement pris un autre tour… Nous étions assises l’une à côté de l’autre dans l’amphi. Je donnais le cours, elle apportait son nom, sa célébrité, son intelligence et sa culture.
Je la trouve étonnante. J’admire sa découverte des tropismes. En lisant L’Ere du soupçon, je me sentais plus intelligente. J’avais beaucoup travaillé à partir du recueil d’articles d’Alain Robbe-Grillet Pour un nouveau roman, si éclairant. Les livres de Robbe-Grillet sont à l’opposé de ceux de Nathalie Sarraute au point de vue de la sexualité : inexistante chez elle, presque esclavagiste chez lui.A l’époque, je disais comme les gens du Nouveau Roman, et le croyais en l’enseignant, que forme égale fond. Je ne le crois plus maintenant. Une histoire palpitante peut être ennuyeuse à mourir si elle est écrite sans style. Je trouve très bien qu’un tel mouvement ait eu lieu, mais comme je crois vous l’avoir déjà dit, une des plus belles formules de Mai 68, pour moi, est celle-ci : « il est interdit d’interdire. » Or, le Nouveau Roman français interdit le personnage, Nathalie Sarraute comparant la littérature avec personnages au musée Grévin. Je l’ai ressenti un peu comme la tentative de terreur dans les lettres, à l’image de cette réflexion d’un français au Québec : « A notre époque, sans avoir vu tel tableau, on peut dire, s’il est figuratif, qu’il est nul. » Je ne sais pas dans quelle mesure on est revenu de tout ça. On revient toujours de tout.
J’ai moi-même tenté d’écrire un livre à la manière du Nouveau Roman. Partout il fut refusé. Ca n’était pas dans ma tessiture parce que je m’attache essentiellement aux personnages. Objets, plantes, animaux sont des personnages, des personnes, et même des personnalités pour moi. Le Nouveau Roman est très intello, moi pas du tout. Mais il a beaucoup apporté en cela surtout qu’il enseigne à envisager êtres, choses, animaux de leur point de vue à eux. A ne pas employer des expressions fausses comme « le feu flambait joyeusement », ou « un bon soleil », qui ne veulent rien dire car elles sont anthropocentristes.
Grâce au Nouveau Roman, j’ai pu regarder avec sympathie une mouche qui faisait sa toilette, nettoyant avec amour ses six pattes. J’avais quitté le point de vue de la personne qui a horreur des mouches pour celui de la mouche qui s’aime et prend soins d’elle. […] (p.215-217)
[…] Les écrivains du Nouveau Roman font disparaître le personnage. Moi, je m’efforce de faire disparaître l’auteur. J’adhère parfois à ce que disent mes personnages mais je me refuse à leur « faire dire » quelque chose. Ils ne sont pas des marionnettes. Les dialogues sont un moyen simple et efficace de ne pas apparaître dans ce que l’on fait, selon le conseil de Flaubert, ancêtre du Nouveau Roman, qui dit que le romancier devrait, à l’image de Dieu dans sa création, « faire et se taire ». […] (p.245)
Béatrix Beck, Confidences de Gargouille – recueillies par V. Marin La Meslée, éd. Grasset 1998
-
Deux fauvettes
Ont sur la tête
Une petite tache humide et grasse
Que le soleil peine à sécher.Ça les embête
Mais comment faire
Pour se laver
Sans faire trempette ?La première est très touchée
Et se frotte avec ardeur
De la calotte jusqu’au bec
À un gros éclat d’écorce
Tombé de la branche
D’un noyer.La seconde, juste effleurée
S’offre au souffle d’un enfant
Qui fait tourner
Mieux que le vent
Une éolienne chamarrée.C’ est le crachat
D’un gros chat
Qu’elles ont reçu
Sur la tête
Un matou vieux et lent
Qui ne chasse plus
Qu’en tremblant.Alors il guette
En haut des arbres
À l’affût du moindre oiseau
Et fait pleuvoir des postillons
Qui touchent parfois
Des oisillons.Poésie jeunesse, extraite du recueil « Comme un coup de patte sur la truffe »
Illustration : Éryk Lipinski -
-
Parution début juin du numéro 10 de la revue de nouvelles Les Cahiers d’Adèle, avec au sommaire :
Patrick Portet, Casimir’s way
Guillaume Siaudeau, La vieille nuit et le jour aux joues roses
David Brunner, Électrographie générationnelle
Al Denton, Flammes et brouets
Douglas Campbell Coupland, Generation X
Anna de Sandre, Un festin en hiver
The who, My generation
Délia Saule, Le pont de l’avenir
Frédéric Dessaigne, Portfolio
Maurice Zytnicki, Hier, aujourd’hui, et la nuit entre
Christophe Havot, Boulifa
Fabrice Farre, Poésie
Christiane Prioult, Existence, que nous veux-tu ?
Laura Vasquez, J’aime
Monique R., La Vérité
David Davezac, Le désir d’éternité -
J’y serai les vendredi 12 et dimanche 13, sur le stand de la librairie Le Préau, pour mon album jeunesse Iris et l’escalier (éd. Gallimard Jeunesse), ainsi que mon recueil de poésie « Un régal d’herbes mouillées » (éd. Carnets du Dessert de Lune)
Voici la liste des auteurs invités :
-
« Tu me dis d’être heureux
ce n’est pas ce que j’aime
car je suis comme
l’ombre au soleil de juillet
saoule cherchant refuge au bas
des murs
de pierre
ombre à la pierre au cou
au bord de la rivièreje crois que j’aimerais
perdre sous moi le sol
oublier un instant
la blancheur révérée
mais jamais non jamais
la rive ne me cèdevois la ville
et son cœur
d’eaux tièdes et immobiles
vois comment tout me voue
à la marche forcée
vaille que vaille le ciel comme un cintre à mon dos
enfilé. »Al Denton, « Xuchilbara », extrait du recueil « Poèmes écrits dans ma voiture »
-
Cet album jeunesse sort le 23 novembre dans les librairies. Il est publié chez Gallimard dans la collection « Giboulées », et c’est Chiaki Miyamoto qui a eu la gentillesse de bien vouloir l’illustrer.
-
Je m’en fiche j’ai
Un secretAlors tu peux mal
Me parler
Devant les autresJe m’en fiche j’ai
Un secretAlors tu peux
Me faire pleurer
En ne jouant
Qu’avec les autresJe m’en fiche j’ai
Un secretAlors à quoi bon
Te moquer
En t’esclaffant
Avec les autresJe m’en fiche j’ai
Un secretAlors tant pis si
Pour rentrer
Tu prends le car
Avec les autresJe m’en fiche j’ai
Un secretTon père va
Épouser ma mère
Et nous allons
devenir frères.
(projet recueil jeunesse)