Tendu sur le tambour d’A. Waliszek

L’extrait d’un work in progress de l’écrivaine Astrid Waliszek :
Mark Simon
« (…) Quand je ne suis pas au jardin, je lis des livres d’horticulture. Je vais en faire un jardin persan, un jardin d’Eden où se côtoieront les quatre coins du monde. Avec un plan en croix, en ombre une glycine, le vieux banc sous une treille, un rosier blanc sauvage en contre-point.

Je l’ai dessiné et j’ai sérié les plantes d’abord par couleurs, ensuite par le temps qu’il faut pour atteindre la floraison et enfin par la qualité du feuillage, caduque ou persistant. C’est du temps qui passe, un jardin : une pivoine mettra près de trois ans avant de fleurir, alors que les coréopsis et les capucines, du jaune soleil au rouge sang, passant par l’or du couchant et l’orange, viendront très vite au printemps. Je descendrai la gamme des couleurs dans un autre des carrés, jusqu’au blanc — le blanc des lys. Que je ne planterai pas, leur odeur est bien trop lourde. Roses, cosmos et pavots, plutôt.

J’ai posé une chaise au bord du jardin-à-venir. Il faut que j’apprenne l’immobilité. Que je reste une journée entière là, à regarder où passeront les ombres selon l’endroit où je planterai la glycine et le pied de vigne. Une journée entière, qui servira de modèle aux autres, à partir de laquelle je peux imaginer ce qu’elles deviendront au fil des saisons.

J’ai passé vingt minutes assise — juste assez longtemps pour savoir l’hiver. C’est bien trop effrayant de penser une journée entière. Il faudra un noisetier tortueux, les branches comme une sculpture l’hiver. Il faudra aussi que je fasse attention à la façon dont je conduirai la glycine. Quant au pied de vigne, je ne le taillerai que peu : il portera juste assez de fruits pour que les abeilles ne soient pas envahissantes à la fin de l’été — un buddleia sera parfait pour des papillons, c’est bien plus agréable comme bestioles. Je me demande s’il y a des buddleias dans les jardins persans.

Je veux du blanc, beaucoup de blanc. Je veux les infinies nuances du blanc des roses dès qu’il y a une trace de rose — elles sont un rappel de la chair, de la nacre d’un poignet à la blancheur diaphane d’une nuque, du blanc frileux de l’intérieur d’une cuisse à la blancheur mate d’une pommette. Des blancs très légèrement bleutés aussi, comme des fleurs de poirier, comme des drapés de David. Les fleurs les reproduisent, ces nuances mouvantes (…) »


4 réponses à “Tendu sur le tambour d’A. Waliszek”

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