ÉDITO :
CE QUI SUIT EST UNE PARODIE. Toute ressemblance avec des revues culturelles contemporaines est sûrement volontaire.
L’épanorthose patapharesque de Métah Coni-Sion
« Nous menons tous le même genre de vie en alternant station en intérieurs et mouvements à l’extérieur, et le rôle de l’écrivain se borne à mesurer, à chronométrer ces flux plus ou moins pendulaires. » (La Conversation interminable)
Après un temps de maturation précurseur d’un mode opératoire qui, semble-t-il, ne tendra pas à se généraliser, l’écrivaine Métah Coni-Sion fait un étonnant retour à la littérature discursive avec une dodécalogie radionique et par là-même vibratoire, au point que cette « cathédrale » narrative borne cette rentrée 2016 sur un axe qui active autour de son auteure un volume additionnel de contacts inopinés suffisamment ample pour que la rédaction s’en émeuve.
Depuis le superbe Sobriété du temps qu’il fait qui avait marqué la saison littéraire en 2006 et son fameux Une brique rose avec vue sur un arbre de 2011 qui lui avait ouvert les portes du prestigieux laboratoire de recherches de l’université de Watts à Los Angeles, jamais encore Métah Coni-Sion — malgré l’attente prévisible d’un recueil d’épigrammes, n’avait mené l’exercice avec autant de flegme.
Une œuvre contemporaine à la puissance évocatoire d’un lanceur d’alerte dans l’exercice d’un bel canto, un taquet associatif dans la jointure fragile du navire éditorial, voilà bien ce qui nous amène à interroger Métah Coni-Sion sur son dernier monument.
Dans Feminae Omega où l’essai transformé, votre nouvel ouvrage au cœur duquel votre écriture se dirige vers sa propre finitude avec la maturité d’un sagamore, vous donnez à voir ce qui nulle part ailleurs ne s’expose aussi clairement qu’entre vos pages, à savoir une théorisation scénarisée et pourtant d’une rectitude casuistique de l’idée soluble dans son observation que les époques influencent moins les générations que les suites plus ou moins longues de mouvements, qui répondent de manière réflexive aux pauses nécessaires à la protection élémentaire de notre salut.
Pourquoi, d’après vous, les humains sont-ils assujettis à ce rythme binaire « dehors-dedans » ?
Je crois d’abord faire œuvre utile, sans me paraphraser, en précisant que ce que vous qualifiez de cathédrale quand j’y vois, moi, disons un simple manoir, est tout d’abord une idée, avant que d’être une identité. Je suis profondément marquée — non par le texte, non par l’illustration de couverture, mais par le croisement entre le titre du texte de Fred Vargas, Sans feu ni lieu et celui du film d’Agnès Varda, Sans toit ni loi.
J’ai un rapport angoissé à la notion de quiétude. Je la recherche, mais au moment de l’atteindre, j’ai besoin d’ailleurs stimulants. Avez-vous remarqué l’analogie frappante entre la respiration qui par son souffle nous maintient en vie à la condition que nous mettions de l’air, c’est-à-dire du dehors, dedans, et notre émonctoire le plus vaste, notre territoire le plus intime et pourtant le plus exposé, à savoir notre enveloppe corporelle, soit notre peau, que nous entrons dans des intérieurs ou sortons dans des espaces qui au XXème siècle ne sont plus bornés d’enceintes, et par-là même avec le ciel pour seul toit nous insécurisent et nous obligent constamment à entrer dans des lieux clos pour des temps plus ou moins brefs ?
Métah Coni-Sion, vous semblez, avec cette œuvre profuse, vous positionner en vigie d’une acuité sensorielle étonnante par rapport à vos confrères qui ont pour obsession la finitude, la putrescence des idées, des actes et des héritages. Comment cette pose géométriquement intersectionnelle devient-elle visible quand les Moires sont au cœur des questionnements intellectuels actuels, quand le transhumanisme nous fait percevoir la possibilité d’une infinitude qui pour le coup rejoindrait vos obsessions pour ce qui peut être déborné ?
Je répondrai en faisant appel à la fiction, puisque c’est elle qui fait advenir le réel. Nous devenons ce que nous imaginons, aussi bien sous la charpente d’un ciel de traîne que sous un plafond suspendu. Nous sommes des entités de sédiments processionnaires, façonnés par ce que l’habitat et la nature impriment dans notre chair et notre cortex prosencéphalique, et l’importance que nous donnons aux bâtiments qui nous accueillent n’a jamais été aussi bien montrée que dans le conte traditionnel européen Les trois petits cochons.
Son loup allégorique appartient à notre mémoire collective et nous fait connaître à jamais combien ce qui n’habite pas, donc ce qui est de l’extérieur, peut être un danger mortel pour ceux qui ont un intérieur, un territoire matérialisé par des murs et un toit.
Pour en revenir à mon dodécaèdre, il me semble que j’y appose les papillons vivants de la République. La France est une pièce ouverte et champêtre et c’est sans doute ce qui lui permet de s’arracher à la logique binaire de ce qui m’obsède depuis toujours. Voilà pourquoi elle rassure les citoyens conscients de revivre le mouvement défécatoire de l’accouchement à chaque fois qu’ils franchissent un seuil.
Nous ne craignons pas la mort parce que nous ne voulons pas finir ; nous craignons la mort parce que nous ne voulons pas sortir.
Métah Coni-Sion, Feminae Omega où l’essai transformé, Loïs del Murphy Éditions, 2016, 15.623 p., 216€